Restructuration et répression à l’Entr’Aide Ouvrière

Les salariés de l’Entr’Aide Ouvrière, structure d’aide sociale basée à Tours, dénoncent la restructuration de l’association qui entraîne la dégradation des conditions de travail des salariés et d’hébergement des usagers.

Communiqué de Sud Santé-Sociaux 37 et de la CGT Santé Action Sociale 37

Conseil d’Administration et Direction Générale à l’unisson pour accompagner la casse du travail social

L’Entr’Aide Ouvrière, comme bon nombre d’associations du secteur social et médico-social, n’échappent pas aux pressions budgétaires imposées par l’Etat. Le Conseil d’Administration, épaulé par la Direction Générale, essaie depuis des années d’équilibrer le budget, sans succès : les subventions baissent chaque année au détriment des droits des usagers, des salariés et de leurs conditions de travail.

Cela passe par :

  • Des augmentations de certaines prestations proposées aux usagers — le prix de la caution pour être hébergé dans un foyer ou un logement a été doublé, le montant de la participation est passé de 15 à 20 % des ressources.
  • Une dégradation des services rendus et une redéfinition des missions : une personne à la rue, venant solliciter une première fois le CASOUS [1], doit attendre 1 mois avant d’être reçue par un travailleur social… Cela est en grande partie dû à la réduction du personnel qu’a connu ce service depuis des années.
  • Au Service des Logements Extérieurs, depuis près d’un an, la literie (draps, couvertures, oreillers) n’est plus fournie. Les résidents doivent l’apporter.
  • Une dégradation des conditions de travail dans l’ensemble des services de l’Entr’Aide Ouvrière.

Cela se traduit par une augmentation significative des arrêts de travail, un mal-être de plus en plus ressenti dans les services.

2010-2014 : Restructuration de l’Entr’Aide Ouvrière, le rouleau compresseur

Depuis 2010, c’est une véritable restructuration qui est mise en œuvre. Des services, essentiellement ceux de l’Insertion par l’Activité Economique (IAE), sont réorganisés en vue d’être rentables. Elle permet d’en fermer certains si les nécessités budgétaires l’imposent.

L’hébergement est aussi impacté. La réorganisation des cuisines des foyers a conduit à la fermeture de celle de CAMUS [2]. Celle du CHERPA [3] est devenue un pôle sous la tutelle de l’IAE.

Ainsi l’Entr’Aide Ouvrière est découpée en branches que l’on peut couper sans trop ébranler le tronc qu’est l’hébergement. Mais jusqu’à quand ?

L’élaboration de fiches de postes pour les Travailleurs Sociaux ne peut qu’inquiéter. Il y a tout lieu de penser que la direction générale souhaite ardemment réorganiser les services de l’hébergement en spécialisant les tâches des salariés en fonction de leur groupe [4]. Les salariés diplômés d’État seraient plus destinés à assurer le suivi administratif des résidents, avec des horaires plus concentrés en journée ; le travail des salariés des groupes 4, 3... porterait essentiellement sur la « gestion hôtelière » des foyers. Cela pourrait conduire, à terme, à l’instauration d’horaires découpés. Cette restructuration serait, sans doute, source de crispations, voire de conflits, au sein des équipes.

La carotte et le bâton !

Après la création des fiches de poste des chefs d’ateliers et coordinateur, avec comme carotte une classification au groupe 5, le Conseil d’Administration et la direction générale jouent maintenant du bâton. Ils n’ont d’autre ambition que de se conformer à la volonté de l’État : imposer coûte que coûte sa politique de casse du social.

Ce mardi 8 avril 2014, le directeur général a convoqué 4 salariés à des entretiens en vue de sanctions, pouvant aller jusqu’au licenciement :

  • Deux cuisiniers du CHERPA à qui la direction générale demande, sans négociation ni contrepartie, des tâches supplémentaires, refusent de se soumettre à ces injonctions tombées du ciel du siège social. Ils ne sont pas des pions qu’on peut déplacer au gré des volontés de la direction générale !
  • Un salarié du pôle espaces verts, nouvellement promu au groupe 5, n’ayant pas de fonctions hiérarchiques mais seulement organisationnelles vis-à-vis de ses collègues : la direction générale lui reproche une mauvaise gestion de son activité.

C’est la direction générale, en imposant par la force sa réorganisation, qui est responsable de cette situation !

Par ailleurs, la direction générale reproche à un salarié du pôle propreté son attitude dans une réunion de service. Il a demandé au directeur de l’emploi et de la formation que tout le monde ait une participation active pendant les réunions d’équipe. Il s’en est suivi une réaction non contrôlée d’un autre salarié. Ce directeur a préféré laisser la situation s’envenimer sans intervenir. Un autre salarié présent, ne supportant plus le climat délétère de ce service et face à l’inertie du directeur, a fait valoir son droit de retrait. Lorsqu’on rappelle à un cadre de la direction un des aspects de son rôle, on est sanctionné !

On ne peut accepter cet autoritarisme, d’autant plus que cette restructuration nous conduit droit dans le mur !

Certains de ces quatre salariés sont des élus du personnel et des militants SUD ou CGT. C’est un véritable passage en force que tentent d’imposer le Conseil d’Administration et la Direction Générale. Il nous faut mettre un coup d’arrêt à cette machine infernale qui a été amorcée par la direction générale avec l’aval du Conseil d’Administration, malgré l’opposition des élus du personnel et des organisations syndicales.

Cette machine a un nom : refondation !

Dans l’immédiat nous demandons :

  • L’abrogation des fiches de postes des nouveaux groupes 5 : les chefs d’atelier, coordinateur ou responsables de pôle. Elles instaurent des rapports hiérarchiques de ceux-ci envers les salariés des groupes 4,3..., notamment la gestion des plannings, des congés et plus généralement sur leurs absences. Ces fiches prévoient aussi que ces salariés participent à l’organisation du travail. L’ensemble de ces fonctions relève de l’encadrement, c’est-à-dire au minimum des salariés embauchés au groupe 6. Cette confusion des statuts ne peut qu’être source de conflits. C’est déjà le cas aux ateliers à Chambray ; mais l’eau bout dans d’autres secteurs de l’IAE.
  • L’abrogation des nouvelles fiches de postes concernant les cuisiniers et que de réelles négociations s’engagent si les cuisines doivent être réorganisées. Les services concernés doivent aussi y participer afin d’éviter les dysfonctionnements que connaît la CHAMBRERIE [5]. Ce sont les usagers et les salariés de ce service qui en pâtissent.
  • La cuisine du CHERPA doit sortir de l’IAE et être de nouveau sous la tutelle du foyer où elle se situe. En créant un pôle cuisine autonome, la direction générale prévoit la possibilité de la fermer si elle estime, à terme, que ses prestations sont trop chères. Elle pourra faire appel a une entreprise privée, comme Sodexo. Ainsi on externalise des services. C’est déjà le cas avec la lingerie : elle a été fermée et une entreprise privée assure cette prestation.
  • L’économat : tant que la question de l’économat des cuisines n’est pas réglée, celui-ci doit être assuré par le siège. C’est la Direction Générale, avec l’accord du Conseil d’Administration, qui a fait le choix de ne pas remplacer l’économe parti en retraite et donc d’en faire porter les conséquences sur les cuisiniers. Cela représente une économie annuelle de 50 000 €.
  • Un moratoire : sur la réorganisation de l’IAE, en incluant les cuisines, jusqu’à ce qu’un bilan soit réalisé et que de nouvelles orientations et organisations aient été proposées après de réelles concertations et négociations ; aussi bien avec les services concernés, les instances du personnel que les organisations syndicales.

Non à la répression patronale !

Nous demandons l’annulation de toutes les sanctions prises ces derniers mois et l’abandon de toutes les sanctions disciplinaires envisagées à l’encontre des salariés confrontés à la restructuration de l’IAE.

Mardi 8 avril 2014, les syndicats départementaux SUD et CGT sont venus soutenir nos camarades face à la répression patronale.

Nous en avons assez que le budget soit le centre et devienne, en quelque sorte, la finalité de l’action sociale. Il doit être seulement un moyen au service d’actions où l’être humain retrouve sa place centrale, sa dignité et le respect qu’on lui doit, qu’il soit usager ou salarié.

Nous allons demander au conseil d’administration qu’il rencontre ensemble [6] les organisations syndicales présentes à l’Entr’Aide Ouvrière.

Non à la casse du social ! C’est encore une fois aux salariés de se mobiliser pour défendre leurs conditions de travail et les droits des usagers.

Notes

[1Le CASOUS (Centre d’Accueil de Santé et d’Orientation pour l’Urgence Sociale) regroupe une permanence sociale, un cabinet médical, le n°115, une équipe mobile, des places d’hébergement d’urgence pérennes et temporaires.

[2Le foyer d’hébergement Albert Camus accueille 63 places pour famille et femmes seules.

[3Le foyer d’hébergement Cherpa accueille 29 places pour hommes seuls, femmes seules ou couple.

[4Le terme « groupes » désigne ici les groupes conventionnels définis par les accords collectifs. Ils définissent l’échelon hiérarchique et de rémunération des personnels. Il y a 8 groupes. Les personnels des groupes 6, 7 et 8 sont considérés comme cadres. Le groupe 5 est celui des diplômés d’Etat.

[5Le foyer d’hébergement de la Chambrerie accueille 19 places pour hommes seuls.

[6Jusqu’à présent la direction générale propose aux organisations syndicales de les rencontrer séparément, ce que Sud et la CGT refusent.